50 ans plus tard…

6 mars 2017
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publié par: Synergie-Wallonie

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50 ans plus tard…

Les femmes actives gagnent toujours 21 % de moins que les hommes sur une base annuelle. Et ce, 50 ans après l’article 119 du Traité de Rome qui a pourtant consacré l’égalité salariale. Entre l’ « Equal Pay Day» et la Journée mondiale des droits des femmes, nous, organisations féminines réclamons le respect strict de la loi sur l’Ecart salarial et une vigilance renforcée contre les inégalités et discriminations.

Entre février et avril, un peu partout dans le monde, des organisations de femmes et de travailleuses « célèbrent » l’« Equal Pay Day » (Journée de l’égalité salariale), dont la date est calculée en fonction de l’écart salarial, variable d’un pays à l’autre (16 %, en moyenne en Europe). Jusque-là, c’est un peu comme si les femmes avaient travaillé « gratuitement » et commençaient seulement à être rémunérées.

Il est en outre important de faire la distinction entre l’écart sur la base des salaires horaires bruts moyens et celui sur la base des salaires annuels bruts moyens. Ainsi, selon le rapport 2016 sur l’écart salarial [1] :

  • L’écart salarial est de 8% sur une base horaire en Belgique. 47,4% seraient dus à des facteurs objectivement observés: secteur d’activité, type de contrat de travail, niveau d’éducation,… 52,6% de cet écart restent inexpliqués et peuvent être la conséquence d’une discrimination.
  • En salaire annuel, l’écart salarial est de 21%. Il résulte en particulier de la répartition inégale de la durée du travail entre hommes et femmes : le travail à temps partiel est beaucoup plus répandu chez les femmes (9% des hommes contre 44% des femmes[2]).

Cette réalité différente faisait pourtant écrire à Arnaud Dorsimont, assistant en économie à l’Université Saint-Louis à Bruxelles, le 9 janvier dernier, dans la rubrique Débats de La Libre Belgique, «les différences salariales sont souvent interprétées comme une discrimination sexiste, mais les données économiques montrent que d’autres éléments entrent en jeu. » Lesquelles ? « Les femmes investissent, de manière voulue ou subie, moins de temps sur le marché du travail, poursuivait Dorsimont. (…). Plus que la discrimination sexuelle arbitraire, ce sont ces différences d’investissement en capital humain qui expliquent pour partie les différences salariales entre hommes et femmes».

En cette Journée mondiale des femmes, nous organisations de femmes considérons ces propos maladroits et rappelons que la tendance continue à la réduction des écarts salariaux reste trop lente. Ainsi, l’écart salarial sur une base horaire a diminué ces dernières années de 11% (en 2008) à 8 %. Mais l’écart salarial en base annuelle stagne ou régresse encore plus lentement (23% en 2008). Cela témoigne d’une vision stéréotypée d’une société incapable de s’organiser de façon à donner aux hommes et aux femmes les mêmes chances d’exercer un job correspondant à leurs aspirations et compétences.

En premier lieu, les femmes subissent une double ségrégation sur le marché du travail. D’abord, la « ségrégation horizontale » : elles sont plus fréquemment occupées dans des professions moins valorisables, dans de plus petites entreprises, avec des conditions contractuelles plus précaires, etc.

Ensuite, les femmes subissent une « ségrégation verticale » : elles ont moins accès aux formations et aux promotions et donc aux fonctions de niveau supérieur : selon les bilans sociaux et rapports d’entreprises publiés par la Banque nationale de Belgique, les employeurs investissent 40 % de moins dans la formation des femmes.

Les écarts de salaires se creusent encore avec les avantages extralégaux[3] – voitures de fonction, pensions complémentaires, options sur actions,… – lesquels sont plutôt octroyés dans des secteurs majoritairement masculins. En englobant les avantages extra-salariaux dans le calcul, l’écart salarial sur une base annuelle atteint 27%[4].

La durée du travail, le temps partiel ont également une incidence importante sur l’écart salarial. D’une part, évidemment, parce que les travailleurs travaillent moins d’heures; d’autre part, parce que les emplois à temps partiel sont offerts dans des secteurs fortement féminisés (agences de voyage, restauration, activités immobilières, etc.) à salaires plus faibles. Soulignons également que les conditions de travail des femmes à temps partiel font appel à des régimes de flexibilité accrue de réforme en réforme [5], de non reconnaissance des heures supplémentaires et donc de refus des majorations de salaires qui vont de pair.

Enfin, il est à relever certaines caractéristiques personnelles. L’écart salarial sur une base horaire se creuse à partir de 35 ans, âge où le salaire des femmes commence à stagner. Le fait d’avoir des enfants influence négativement le salaire des femmes, alors que pour les hommes, le fait d’être en couple et père de famille influence positivement le salaire.

Tout ceci n’aurait-il rien à voir avec le sexisme ? Le monde du travail n’y échappe en tout cas pas. Selon le Baromètre social consacré à la discrimination liée au genre, réalisé en 2016 par l’IWEPS (Institut wallon de l’étude, la prospective et la statistique), près d’1 citoyen actif sur 2 déclare avoir été témoin un jour de blagues ou propos à connotation sexuelle et même encore un tiers, d’une situation où la carrière professionnelle d’une femme a été freinée parce qu’elle avait des enfants.

Conclusion de l’IWEPS : « certaines inégalités entre les femmes et les hommes reposent en réalité sur des représentations stéréotypées fortement ancrées chez certains citoyens ». Les nier ne permettra jamais de s’attaquer aux racines du problème ni de mettre en place les mesures qui s’imposent, du choix des études au développement des crèches, en passant par la lutte contre les discriminations. Ce qui nécessiterait, d’abord, le respect strict de la loi relative à la lutte contre l’écart salarial du 22 avril 2012 (modifiée le 13 juillet 2013) afin d’avoir une transparence totale sur la formation des salaires, voire la rédaction et la mise en place d’un véritable Plan d’action national de lutte contre l’écart salarial, porté par l’ensemble des niveaux de pouvoir, comme c’est le cas pour le Plan d’action national de lutte contre les violences faites aux femmes.

 

Dorothée Klein, présidente des femmes cdH, et Donatienne Portugaels, vice-présidente.

Magdeleine Willame, présidente du Conseil de l’Egalité des chances entre les hommes et les femmes

Reine Marcelis, présidente de Synergie Wallonie.

Daisy Herman, secrétaire générale de ACRF-Femmes en milieu rural.

Dominique Devos, présidente du Comité de liaison des femmes

Isabella Lenarduzzi, directrice de JUMP

Hafida Bachir, présidente de Vie féminine

Marcela de la Peña Valdivia, coordinatrice de la Marche mondiale de femmes (Belgique)

 

 

[1] Etabli annuellement par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH), le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, le Bureau du Plan et le SPF Economie , chiffres 2013.

[2] Source : Statbel, »Enquête sur les forces de travail »pp .

[3] Voir Avis du Comité de liaison des Femmes sur l’Egalité de rémunérations entre hommes et femmes ; mai 2006

[4] Etude de SD Worx, citée dans “Les femmes ont très peu de voitures de société”, Le Soir, 25 juin 2015.

[5] Voir la loi sur le travail faisable et maniable récemment votée ( février 2017 )et l’avis 151 du Conseil de l’ Egalite entre les hommes et les femmes du 9 décembre 2016 (lien vers le site )

 

 

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