« Femme de la rue » : dix ans après le documentaire choc, qu’est-ce qui a changé ?

24 mai 2022
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publié par: Synergie Wallonie

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« Femme de la rue » : dix ans après le documentaire choc, qu’est-ce qui a changé ?

Article par RTBF

Il y a dix ans, un documentaire a fait énormément de bruit chez nous. Son nom : « Femme de la rue ». Sa réalisatrice mettait en lumière un phénomène très présent : le harcèlement de rue dont elle était elle-même victime. Dix ans plus tard, quel est le bilan ? La société a-t-elle changé ? Rencontre avec Sofie Peeters.

Des progrès très certainement

L’extrait est éloquent. Une jeune femme marche dans la rue et est accostée de manière insistante par plusieurs hommes, dont certains lui font clairement des propositions sexuelles, malgré les refus répétés de cette jeune femme.

Il y a dix ans, Sofie Peeters, une étudiante en cinéma parle du harcèlement de rue, mais surtout le filme. Pourtant, son projet de mémoire, qui a fait sensation, n’avait pas suscité l’enthousiasme du jury, composé exclusivement d’hommes. Elle raconte les réactions de ce jury à l’époque : « Ils me disaient : ‘Ton film doit durer 30 minutes. Est-ce que c’est réaliste de faire 30 minutes sur le harcèlement ?’ Alors, c’était choquant, un peu, pour moi ! Et c’était, en fait, la preuve ultime que c’était vraiment nécessaire de faire ce documentaire. »

« Femme de la rue », un documentaire qui mettait le doigt sur un problème peu évoqué en 2012 © Tous droits réservés

Nouvel extrait, toujours plus parlant. Cette fois-ci, les remarques sur le physique de la jeune fille et les insultes se suivent. Le documentaire suscite un raz-de-marée de réactions chez le public, les médias, la politique… Dans la foulée, des patrouilles de police, parfois en civil, sont déployées pour veiller en rue. Une loi antisexisme sera même votée deux ans plus tard.

Sofie Peeters considère ces avancées comme autant de victoires : « Beaucoup de choses ont changé depuis dix ans, parce qu’il y a eu de grands mouvements dans la foulée, comme #MeToo#BalanceTonPorc#BalanceTonBar… Je crois que la parole est vraiment libérée. Les femmes, aujourd’hui, osent parler de ce qu’elles ont vécu, et disent que ce n’est pas OK de subir cela. »

Dans la rue, des succès en demi-teinte

Dix ans plus tard, le harcèlement de rue n’a pourtant pas disparu, les précautions non plus. Quand elles sortent, Manon, Alice et Nuna, trois jeunes femmes rencontrées en rue, pensent à leur tenue et aux quartiers qu’elles fréquentent : « On se fait siffler, ça c’est sûr, qu’on soit habillée en robe ou en pantalon, que ce soit le jour ou la nuit. Donc ce n’est pas toujours très sûr, ça dépend des quartiers de nouveau. »

« Ce n’est pas anodin, une voiture qui commence à ralentir parce que tu marches. À deux pas de notre maison, c’est déjà arrivé plusieurs fois. »

« C’est vraiment le regard… les regards insistants, c’est vraiment déplaisant. »

Parmi les réflexes : s’entourer, se déplacer en bande : « Quand on était en secondaire, on avait des amis, des garçons, qui venaient nous raccompagner jusque chez nous pour être sûrs qu’on était en sécurité et bien rentrées. Donc, oui, il y a de la solidarité entre nous, heureusement. »

Des délits difficiles à prouver

Dans le centre de Bruxelles, la zone de police et le parquet se sont alliés pour sanctionner, mais les chiffres restent bas. Trois procès-verbaux en 2019, six en 2020, trente en 2021, sept sur les premiers mois de 2022… Le harcèlement reste difficile à prouver.

Soraya, 30 ans, exprime ses doutes sur l’efficacité de porter plainte mais surtout sur la faisabilité : « Même si j’ai l’idée de porter plainte, je vous avoue que c’est très difficile. Même identifier le coupable c’est compliqué. Et si j’ai mon smartphone sur moi, il faut le sortir à un moment chargé d’émotions négatives, et où on n’y pense pas forcément. »

Comme toute criminalité, le harcèlement ne peut être éradiqué mais les mentalités ont peut-être évolué.

Et c’est ce que souhaitait Sofie Peeters dès le départ : « Je crois que les hommes, aussi, prennent plus conscience de ce qu’ils font, de ce qu’ils disent. Et ça, c’est très bien ! Et j’espère qu’ils ne s’empêcheront pas de parler à une femme, pas du tout, mais qu’ils le feront d’une manière respectueuse désormais. »

Un travail de sensibilisation toujours nécessaire

Sofie Peeters plaide pour l’éducation et les formations.

Et de ce côté-là, il y a eu des émules. L’association « Touche PAS à ma POTE« , et son pendant néerlandophone « Blijf van mijn Lijf » ont vu le jour à la suite du documentaire de Sofie Peeters. Elles ont engrangé des résultats très concrets depuis dix ans : plus de 16.000 jeunes ont été sensibilisés à la problématique du harcèlement de rue, ainsi que, cette année, 500 agents de police bruxellois.

De son côté, Sofie Peeters, elle, continue à travailler sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

 

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