L’Apartheid sexuel, crime contre l’humanité

7 février 2023
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publié par: Synergie Wallonie

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L’Apartheid sexuel, crime contre l’humanité

Relai de la tribune publiée le 01 février 2023 dans Le Monde

Aujourd’hui s’étale sous nos yeux, avec une acuité nouvelle, l’iniquité et la barbarie du traitement réservé aux femmes dans deux pays voisins mais néanmoins de traditions différentes, l’Iran majoritairement chiite, et l’Afghanistan majoritairement sunnite : leur effacement de l’espace public où elles ne sont admises que sous la forme d’ombres silencieuses, le corps dissimulé par le voile qu’elles sont contraintes de porter.

L’Iran a ouvert le bal avec sa « révolution islamique » en février 1979 et sa cohorte d’obligations destinées à les préserver de « la corruption qui pourrait résulter de la présence simultanée d’hommes et de femmes dans un même espace », selon la formule du président Rasfandjani.

Quant aux talibans, « étudiants en religion » après s’être emparés de Kaboul en 1996 (avant d’en être chassés en 2001), ils sont apparus aux yeux du monde comme une horde sauvage contraignant toutes les femmes à s’ensevelir sous le tchadri grillagé, et en les privant d’éducation, de toute vie sociale, politique et culturelle, leur interdisant même les soins à l’hôpital.

Ainsi, au-delà de leurs différences, ce qui réunit la République Islamique d’Iran et l’Afghanistan des Talibans, revenus en force au mois d’août 2021, c’est la séparation radicale, sous la contrainte, des femmes d’avec le monde des hommes, séparation constituant un véritable apartheid fondé sur le sexe.

Pourtant dès le mois de mars 1979 les femmes, jeunes et moins jeunes, étaient descendues par dizaines de milliers dans les rues de Téhéran aux cris de « Nous n’avons pas fait la révolution pour ça ! » en visant le voile obligatoire.

Aujourd’hui les protestation des femmes en Iran, après des éruptions vite réprimées, sont soutenues par un mouvement populaire déclenché par la mort de Jina Mahsa Amini le 16 septembre, après son arrestation par la police des mœurs pour avoir mal porté son voile.

Ce n’est pas un hasard si leur slogan est Femmes, vie, liberté !. Ce qui est nouveau c’est qu’elles sont rejointes par les hommes, et de façon emblématique par les athlètes à l’occasion d’épreuves internationales telles que le Mondial de football.

L’autre nouveauté dont nous devons nous féliciter, c’est la reconnaissances d’organes des Nations-Unies de ce que ces femmes sont victimes d’une oppression institutionnalisée, systémique, et du caractère disproportionné de la réaction des autorités iraniennes aux manifestations populaires :

  • Le Conseil des Droits Humains a décidé d’ouvrir une enquête internationale sur la répression des manifestations en Iran, et sur l’étendue des violences liées au sexe.
  • Le Parlement Européen a, de son côté souligné dans une résolution que le port obligatoire du hidjab est devenu un instrument de répression des femmes, qui sont privées de leurs droits en Iran.
  • Enfin, M.Josep Borell, Haut-Représentant de l’Union Européenne pour les Affaires Etrangères a déclaré sans détours que « la persécution sexuelle est un crime contre l’humanité ».

Nous constatons avec satisfaction que certaines institutions osent maintenant s’affranchir du langage diplomatique convenu, mais pour que l’on en reste pas au stade de la protestation, il faut qu’il y ait une condamnation claire, sans équivoque, de la communauté internationale de tout système instituant l’apartheid sexuel.

Pour cela il lui faut rédiger un instrument juridique opérationnel, sanctionnant sans réserve quelque politique fondée sur la séparation institutionnalisée des sexes, ainsi que les contraintes imposées aux femmes pour y parvenir.

Elle a su le faire pour condamner l’apartheid fondé sur la race, tel que pratiqué en Afrique du Sud. Elle ne doit pas flancher au moment de défendre le droit des femmes à se voir reconnaître le même statut que celui des hommes, au risque d’enterrer définitivement toute idée d’universalité des droits de la personne.

Avec la Ligue du droit international des femmes, qui a été la première dès 1992 à faire l’analogie entre l’apartheid fondé sur la race et l’apartheid fondé sur le sexe, nous proposons de nous appuyer sur les outils juridiques internationaux qui avaient permis de combattre l’apartheid racial.

Nous suggérons de compléter ou de s’inspirer de l’article ll de la Convention Internationale sur l’Elimination et la Répression du Crime d’Apartheid de 1973, afin d’inclure la notion d’apartheid fondé sur le sexe, s’agissant de ségrégation et de discrimination sur le seul critère du sexe.

Le Secrétaire Général des Nations-Unies, le Président du Conseil des Droits Humains, le Haut-Commissaire aux Droits Humains ont été saisis de cette demande afin qu’elle soit mise à l’ordre du jour.

Le Président de la République a également été sollicité en vue d’un soutien à cette démarche.

En cette fin d’année 2022, tandis que des femmes et des hommes en Iran et en Afghanistan font entendre leurs cris au péril de leur vie, et qu’un Iranien vient de se suicider à Lyon pour tirer la sonnette d’alarme, nous ne pouvons pas demeurer des témoins impuissants de la violence extrême des autorités de ces pays déployée contre leurs peuples.

 

Stéphane Braconnier, Président de l’Université Panthéon-Assas, professeur de droit.

Shirin Ebadi, juge, avocate, prix Nobel.

Jean-Pierre Getti, ancien magistrat, président de Cour d’Assise.

Noëlle Lenoir, avocate, ancienne ministre des Affaires Européennes, a été membre du Conseil Constitutionnel.

Jean-Eric Schoettl, Conseiller d’État honoraire, a été secrétaire général du Conseil Constitutionnel.

Frédéric Thiriez, avocat associé auprès du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation.

Linda Weil-Curiel, avocate au barreau de Paris, Secrétaire Générale de la Ligue du Droit International des Femmes.

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