La paix des femmes: de la conférence de La Haye fin avril 1915 à la MMF 2015

Il y a 101 ans, naissait l’horreur : la guerre 14-18 !

Aujourd’hui, on a l’impression que tout le monde pensait la même chose au sujet du conflit. La guerre 14-18 était une affaire d’hommes ; d’ailleurs, ce sont les hommes qui ont pris cette décision effrayante, puisque les femmes ne votaient pas…

Les femmes sont-elles restées spectatrices ? Bien sûr que non…. mais il y a un réel manque d’informations à ce sujet ; il y a eu occultation de toute une partie de l’histoire de cette tragédie.

De nombreuses femmes ont remplacé les hommes dans les travaux des champs, mais aussi, progressivement, dans les usines. Cependant, à l’arrière du front, des hommes et des femmes cherchaient une issue pacifique à cette barbarie.

Parler de la paix en plein milieu des conflits… il fallait un sacré culot !

Les 12 et 13 février 1915, sous l’impulsion d’un comité de Néerlandaises (pays neutre), 30 femmes des Pays-Bas, d’Allemagne, de Grande-Bretagne et de Belgique préparent un important congrès pour la fin avril. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer les difficultés d’accès au lieu du congrès en période de guerre, la lourdeur des moyens de communication, mais aussi les réticences idéologiques des gouvernements, des familles et même de certains groupements féministes.

Le congrès de La Haye a rassemblé plus de 1.000 femmes, issues de 12 pays, les 28, 29, 30 avril et le 1er mai 1915. C’est déjà un exploit !

Parlant d’une seule voix : celle de la paix, elles ont été considérées comme des utopistes. La simple existence de ce congrès avant-gardiste est, en soi, la plus éclatante victoire… Une série de résolutions est sortie de cette rencontre, qui servira de base à la création de la Société des Nations pour la résolution pacifique des conflits internationaux :

La guerre n’est pas décidée par les peuples, mais par des groupes à intérêts particuliers. Les congressistes demandent le désarmement universel…

Après la guerre, doit naître un monde où des droits sont égaux pour tous. Convaincues de leur influence pacificatrice en politique, elles demandent le suffrage universel pour toutes.
Plus aucune cession de territoire ne doit être décidée sans le consentement des habitants.
De retour chez elles, les femmes n’ont pas été entendues, les gouvernements étant trop influencés par les castes militaires et industrielles. Malheureusement, le Traité de Versailles – concluant la guerre – se basera sur un idéal de revanche et humiliera l’Allemagne ; cela servira de terreau à la montée du nazisme et à la Seconde Guerre mondiale.

Il faut cependant admettre les liens entre la guerre 14-18 et l’émergence progressive des droits des femmes au début du XXème siècle. La situation exceptionnelle de la guerre a fait sauter momentanément le tabou du travail des femmes. Et, au niveau de la reconnaissance des droits des femmes, les USA et l’Allemagne ont accordé le droit de vote aux femmes en 1919. La guerre a eu un impact irréversible sur les mentalités, mais l’après-guerre a aussi connu un retour aux normes et valeurs traditionnelles.

Un siècle plus tard : vouloir la solidarité et la justice alors que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent sur toute la planète…

Cela paraît aussi utopique…qu’en 1915. Même si les femmes belges ont obtenu le droit de vote en 1948. Même si les femmes sont bien présentes dans le monde du travail rémunéré, généralement moins bien payées que les hommes (égalité salariale, où es-tu?). Même si certaines sont bourgmestres, artistes, ministres, cheffes d’entreprise…

Il y a encore des guerres, il y a encore des usines d’armement. Et il faut écouler la production…

Mais il y a aussi de nombreux mouvements d’opposition à ces politiques strictement économiques au service de quelques-uns.  Parmi eux, des mouvements féministes.

La Marche Mondiale des Femmes est un de ces acteurs « d’un autre monde est possible ». Elle a démarré au Québec dès 1995 et s’est internationalisée en 2000. Organisée autour de quatre thèmes – stop à la violence envers les femmes, biens communs et services publics, autonomie économique des femmes, paix et démilitarisation – les revendications de la MMF s’articulent du mondial au local, démontrant ainsi la force de ce mouvement unique de solidarité internationale et d’actions féministes.

Tous les 5 ans – 2000, 2005, 2010, 2015 – des actions ont lieu dans les différents pays. Une caravane féministe va traverser l’Europe de la Turquie au Portugal cet été, en passant par la Belgique à la fin juin.

Le féminisme est une pensée, un projet de société, une alternative, une autre façon de voir le monde. Il veut détricoter les systèmes qui entretiennent la peur de la différence et justifient la violence. Il veut aussi dénoncer les systèmes qui engendrent l’exclusion et accroissent la domination.

Nous, femmes de 2015, sommes les héritières de ces femmes de 1915 qui se sont battues pour la paix en plein conflit mondial.

Changeons la vie des femmes pour changer le monde !

Changeons le monde pour changer la vie des femmes !

Communiqué de l’ ACRF – Femmes en milieu rural, cosigné par le Comité national de la Marche Mondiale des Femmes

Sources (pour info).

ACRF : Plein Soleil sept. 2013 et sept. 2014

Analyse 2014/14 : 14-18 : la guerre des hommes, la paix des femmes

Des femmes dans l’Histoire en Belgique, depuis 1830 p 97
Le XXème siècle des femmes p 116
Libération 25/10/2014 ; Non, le patriotisme n’a rien d’universel par Julie Pagis, sociologue au CNRS qui cite le livre de Nicolas Mariot, le Seuil, 2013 : « Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple »:lettres et carnets de guerre de soldats du rang ; évocation de Jaurès.
Wikipedia : pour la biographie de Jaurès
Document MMF 2010