Rapport alternatif de la Convention d’Istanbul

2 septembre 2019
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publié par: Synergie Wallonie

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Rapport alternatif de la Convention d’Istanbul

La Belgique a signé en 2012 puis ratifié en 2016 la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul). Dans le cadre de la procédure de suivi de mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, la Belgique est aujourd’hui tenue d’établir un rapport afin de permettre au Conseil de l’Europe d’apprécier les mesures prises pour appliquer la Convention.

Ce mécanisme d’évaluation est ouvert aux ONGs, lesquelles ont la possibilité de présenter un rapport alternatif afin de faire entendre la voix de la société civile. Dans ce cadre, les organisations de terrain belges spécialisées dans la lutte contre les violences de genre ont décidé de mettre sur pied une large coalition visant à faire entendre les réalités de terrain, à contribuer à la rédaction d’un rapport alternatif et à en soutenir les recommandations. (Rapport complet et synthèse réalisés par la Coalition « Ensemble contre les violences » dont Synergie Wallonie est membre active.)

C’est dans le cadre de ce travail que les organisations de terrain ont décidé de présenter les conclusions suivantes :

  • Les organisations de terrain constatent trop souvent à travers leur pratique que, malgré la signature de ce texte contraignant, la Belgique ne respecte toujours pas de manière optimale ses obligations en matière de lutte contre les violences et ne semble pas dégager l’ensemble des moyens nécessaires pour y parvenir.
  • La société civile est d’ailleurs très peu consultée tant dans l’élaboration que dans la mise en œuvre et l’évaluation des Plans d’Action Nationaux (PAN), les instruments de la politique de lutte contre les violences en Belgique, lesquels ne répondent ni à l’ampleur du travail encore à réaliser ni aux obligations ambitieuses de la Convention d’Istanbul.
  • Les données disponibles sur les violences de genre restent lacunaires, les chiffres étant souvent morcelés et les chiffres connus par les professionnels du terrain peu pris en compte.
  • Si des efforts certains ont été faits en matière de sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux femmes, les campagnes d’information restent insuffisamment évaluées, trop ponctuelles et peu représentatives de la diversité du public touché par les violences.
  • En matière de formation auprès des jeunes, le matériel pédagogique est insuffisant, laissant souvent démunis les professeurs qui veulent travailler ces questions. Quant aux formations destinées aux professionnels, elles sont insuffisantes, trop ponctuelles et non-obligatoires. Il en résulte que beaucoup de professionnel-le-s ne sont ni formé-e-s ni outillé-e-s à la compréhension des violences de genre, dans un contexte où des moyens de plus en plus limités sont accordés à la police et à la justice, limitant d’autant les actions de sensibilisation et de formation contre les violences de genre.
  • Lorsque les victimes de violence ont besoin de soutien, il est souvent difficile d’accéder aux informations adéquat-e-s, les services de soutien, qu’il s’agisse des services médicaux ou des services sociaux, étant trop peu ou mal informés sur les violences.
  • Quant aux services de police, la prise en charge des victimes est y souvent aléatoire, certains bureaux refusant d’enregistrer les plaintes ou/et de donner les informations adéquates sur la protection et sur le suivi de la plainte en cas d’enregistrement de cette dernière. La réponse de la police est souvent beaucoup trop lente sauf en cas de létalité et le risque est souvent mal évalué, faute d’outils adéquats.
  • Les victimes qui ont besoin d’être hébergées dans l’urgence restent encore trop souvent confrontées à un refus, faute de place suffisante dans les lieux d’hébergement, lesquels sont parfois inégalement répartis sur le territoire. Certaines femmes victimes, comme les femmes migrantes ou en situation de handicap, peuvent être confrontées à des difficultés spécifiques d’accès. Enfin, peu de moyens sont donnés aux maisons d’accueil pour fournir un accompagnement spécifique aux enfants alors qu’ils sont encore très souvent contraints de quitter le domicile avec leur mère pendant que l’auteur y est maintenu.
  • D’un point de vue légal, La législation consacrée aux violences, éparse et peu lisible, apporte une protection et une sécurité insuffisante aux femmes victimes ; les auteurs de violences n’étant que rarement condamnés, la politique de classement sans suite reste trop élevée, même en cas de faits très graves. La réponse judiciaire est souvent inadéquate en raison de sa lenteur et peu d’informations sont fournies à la victime sur la suite donnée à sa plainte.
  • Les femmes migrantes font l’objet d’une protection aléatoire car le titre de séjour autonome auquel elles devraient avoir droit en tant que victimes de violences et les problèmes spécifiques  auxquelles elles sont confrontées sont peu pris en compte. En ce qui concerne les demandes d’asile, les critères sont de plus en plus stricts pour reconnaître les craintes de persécution liées aux violences de genre.
  • Même s’il existe plusieurs instruments légaux et politiques dédiés à la lutte contre les violences en Belgique, les organisations féministes s’inquiètent aujourd’hui de certaines dérives dans l’appréhension de la problématique. Elles constatent un recul d’une lecture de genre des violences conjugales et d’une analyse des rapports sociaux de sexe : les acteurs sont moins clairement identifiés en tant qu’auteur et victime et se développe un discours tendant à co-responsabiliser les couples dans la survenance des violences.  On remarque aussi une augmentation des formes alternatives de résolution des litiges, comme le recours à la médiation réparatrice, totalement inadaptée aux situations à haute dangerosité et aux périodes de crises et d’urgence.
  • Enfin, les organisations dénoncent le caractère insuffisant et non pérenne des subsides qui leur sont accordés, et constatent la diminution, voire la disparition de certains d’entre eux. Cette situation les place dans une insécurité permanente, alors qu’elles assument un rôle de conseil, de formation et de soutien aux victimes.

 

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